D’abord lauréate de Réseau Entreprendre Paris en 2010 puis membre engagée auprès des entrepreneurs, Chantal Mainguené est une femme d’action, stimulée par un fort engagement social et déterminée à déplacer des montagnes. Fondatrice de Réseau Môm’artre, elle ouvre et anime dans les quartiers populaires des lieux d’accueil et d’activités artistiques après l’école, pour les enfants de 4 à 11 ans. Aujourd’hui, le Réseau Môm’artre, c’est 18 antennes en France, 9 000 enfants en 2021, 1 000 personnes formées chaque année, un réseau de 50 écoles et crèches partenaires et 150 salariés. Quel chemin parcouru !
Créer ton entreprise… À quel moment as-tu eu le déclic ?
Au départ, l’idée n’était pas de créer une entreprise sociale. Tout est parti de plusieurs constats et de difficultés rencontrées, auxquelles j’ai souhaité apporter une solution. Premièrement, en tant que maman solo, j’ai réalisé qu’il existait une incompatibilité entre les horaires de travail des parents, la fermeture des écoles à 16h30 ou 18h et le faible revenu des familles fragiles ou monoparentales, pour faire garder leurs enfants. Cela augmentait significativement le risque de dérapage des enfants, dès leur plus jeune âge. Ensuite, en tant que citoyenne, j’avais envie que mon quartier se dynamise. L’individualisation de la société amène les habitants à se replier eux-mêmes alors qu’il y a tant de choses à partager. J’ai donc souhaité créer une solution qui réponde à la fois aux parents, aux enfants et aux quartiers. Môm’artre est ainsi né, à partir d’une initiative lancée dans le 18ème, sur mes « terres ». Par la suite, je souhaitais conserver cet esprit dans les différents lieux en France. J’ai toujours tenu à recréer cette dynamique locale, en m’adressant à des acteurs de proximité et à utiliser les ressources du quartier pour réadapter le service, selon les problématiques.
Avant Môm’artre, je n’avais jamais créé d’entreprise de ma vie, j’étais Chef de Produit Marketing dans le secteur des assurances et n’avais donc pas le profil type de l’entrepreneure. Dans mon entourage, personne n’avait créé d’association ou ne travaillait dans le domaine de l’enfance. J’ai donc fait mûrir le projet en cherchant à comprendre. J’ai rencontré beaucoup de personnes, j’ai mené des interviews sur le terrain, j’ai passé mon BAFA, et j’ai appliqué la méthode classique de « Chef de projet ».
J’ai commencé par m’entourer d’amis et de personnes qui avaient du bon sens puis je suis allée chercher des artistes bénévoles, qui ont accepté de s’impliquer en échange d’un lieu de résidence. Même si j’entreprenais seule, une de mes grandes forces a été de réussir à monter une équipe opérationnelle de qualité, engagée dans ce projet. Depuis 2 ans maintenant, nous pouvons dire que nous avons vraiment une équipe solide, à laquelle il ne manque aucune compétence. Cela me permet de déléguer pour me consacrer davantage aux partenariats, à la stratégie et à la vision de l’association. Même si je suis moins dans l’opérationnel, je ne me sens pas déconnectée pour autant car nous faisons régulièrement des points. S’il y a le moindre problème, nous restons très soudés, c’est la vie des structures sociales fragiles.
Môm’artre s’est développé sur un modèle d’entrepreneuriat particulier, à travers une grande variété d’interlocuteurs, ce qui multiplie les défis que nous avons à relever par rapport à une entreprise classique. Mais je n’ai jamais ressenti la peur, ce qui peut paraître étonnant d’ailleurs. Mon mode de fonctionnement est fondé sur l’action. Au quotidien, je lutte contre les peurs en agissant, avec souplesse. S’il faut abandonner un projet, je l’abandonne. Je suis sans arrêt dans le mouvement, ce qui est un réel atout lorsque l’on gère un projet avec un fort potentiel de développement.
Où puises-tu ton énergie au quotidien ?
Chez les autres ! Si vous allez sur un lieu d’accueil, il suffit de regarder, nous travaillons avec des personnes incroyables. Bien sûr, il m’arrive d’avoir envie d’abandonner… Tout le temps même ! Parce que cela ne va jamais assez vite, parce que rien n’est jamais acquis. Mais je ne me suis jamais dit : « C’est impossible, nous n’allons pas y arriver ».
Lorsqu’on travaille avec des acteurs publics, on se rend compte de la complexité du système. Il faut toujours refaire ses preuves, c’est usant. De plus, ces 2 dernières années nous ont beaucoup impactées. En 2020, nous avons subi les fermetures administratives et cette année, nous subissons par ricochet ce qu’il se passe à l’école puisque nous avons le même protocole sanitaire. Cependant, si l’on met les choses en perspective, rien n’est très grave et tout finit par s’arranger.
Nous venons de fêter les 20 ans de Môm’artre. Si je devais formuler un souhait, ce serait qu’on en parle encore dans 20 ans quelque part en France, même si ce ne sera plus moi qui porterai le projet. J’aimerais qu’on en parle avec cette réalité d’avoir créé une identité spécifique fondée sur des valeurs humaines et sur notre volonté de prendre soin des parents et des enfants. Nous avons assis quelque chose de fort : 30 000 enfants en 20 ans. Pourrait-on imaginer qu’un jour, nous aurons semé des petites graines dans les têtes de 100 000 enfants qui seraient passés entre nos murs ?
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