RÉ'Elles, notre série sur les femmes entrepreneures

10e portrait de notre série RÉ’Elles !
En lumière : la production de lin en France qui est soutenue par un savoir-faire ancestral, reconnu dans le monde entier !
Près de Rouen, Pauline Beuzelin a recréé une filature locale et propose sa ligne de vêtement Mijuin, développée en circuit court !  

Cultiver l’esprit d’entreprendre autrement.

© Agathe Périer

Saviez-vous que c’est à la mi-juin que les fleurs de lin s’ouvrent, habillant les champs d’une teinte d’un bleu clair satiné ? C’est pour cette raison que Pauline Beuzelin a tout simplement baptisé son entreprise Mijuin

Elle nous apprend également que la France, principalement en Normandie et dans les Hauts-de-France, est le premier producteur mondial de fibres de lin, avec plus de 50% de la production mondiale. « Bien que nous soyons les 1er producteurs de fibres de lin, plus de 90% de cette production part en Asie pour y être transformés. Une grande partie revient ensuite en Europe sous forme de fils, tissus ou produits finis », énonce-t-elle.
Interpellée il y a quatre ans par cette aberration écologique et sociale, Pauline commence à s’intéresser à la relocalisation des filières de lin et de chanvre en France. À l’été 2020, elle entreprend un tour de Normandie pour rencontrer tous les acteurs concernés, avec sa colocataire qui n’est autre que Camille Etienne devenue depuis une militante écologiste engagée.
La conscience écologique de Pauline est assez récente et elle l’assume aisément. « Après un master international en management et systèmes d’information à l’IAE d’Aix-en-Provence, mes études m’ont menée en Finlande, aux Pays-Bas et en Argentine. J’ai beaucoup voyagé, ça m’a réellement ouvert l’esprit mais j’estime aujourd’hui que j’ai un peu abusé », confie la jeune femme qui souhaite désormais limiter au strict minimum ses déplacements en avion. 

© Agathe Périer

Après deux ans passés chez Microsfot, Pauline décide de se consacrer pleinement à son projet entrepreneurial et fonde Mijuin en janvier 2022. « Au fond de moi, je savais qu’un jour je créerais un projet à impact environnemental et social mais je pensais le réaliser plus tard, après quelques années en entreprise. Le lin m’est tombé inopinément et j’ai senti que c’était le moment d’y aller », confie la jeune entrepreneure.  

Pauline passe ses journées à Malaunay, à une dizaine de kilomètres de Rouen, dans le petit atelier de confection où Mijuin s’est installé. Quelques artisans, adeptes comme elle du circuit court, sont déjà implantés et c’est ici que son équipe, huit femmes aux profils très divers, produit les collections 100% lin griffées Mijjuin.
Les vêtements, accessoires et bientôt le linge de maison sont confectionnés à partir du lin cultivé en Normandie. Ils sont ensuite filés non loin de Bernay par La French Filature, tissés près de Lille par Lemaitre Demeestere, puis assemblés dans l’atelier Mijuin. « Textile et circuit court sont deux notions souvent éloignées que nous essayons de rapprocher. Nous avons pour notre part une vraie traçabilité sur l’ensemble de la filière », assure-t-elle. 

Les produits confectionnés sont vendus à 70% sous marque propre à des particuliers via le site de e-commerce de l’entreprise. Les 30% restants sont de la confection à façon pour le marché professionnel, notamment celui de l’hôtellerie-restauration. « À terme, nous souhaitons confectionner davantage pour de grandes marques comme des maisons de luxe, ce qui passera inévitablement par une augmentation de notre capacité de production », indique Pauline. Pour cela, elle sait qu’elle devra agrandir son atelier pour une surface quatre à cinq fois plus grande. Aujourd’hui, les 60 m2 sont le « minimum viable product en langage startup. Ceci montre qu’à petite échelle, on peut y arriver. Mais avant cela, nous voulons décrocher des premiers contrats avec de grandes marques et monter un plan d’investissement avec les acteurs de la filière en amont », précise-t-elle. 

© Agathe Périer

La jeune entrepreneure a été frappée par l’engouement suscité dès le départ par son projet : « Le fait d’entreprendre jeune nous apporte sans doute une forme de naïveté, dans le bon sens du terme : vous commencez avec rien du tout et finalement vous trouvez de nombreuses personnes sur votre chemin qui ont envie de vous aider ». À commencer par l’équipe de Réseau Entreprendre® Normandie Seine & Eure . « J’étais convaincue qu’il fallait que le projet soit accompagné pour qu’il puisse bien se développer. Je ne connaissais Réseau Entreprendre® que de nom mais trois avantages m’ont d’emblée séduite : l’opportunité de pouvoir devenir lauréat et de disposer d’une belle visibilité, la chance d’avoir un mentor qui nous suive dans la durée et le prêt d’honneur qui était pertinent pour nous lancer en autofinancement ».
Un accompagnateur dont elle dit qu’il est incroyable : « J’apprends beaucoup de sa posture : quand il dit quelque chose, il le fait. Il nous tire sans cesse vers le haut en nous donnant des conseils très pertinents. Il nous a challengés sur l’impact que l’on voulait avoir et il a surtout bien compris notre proposition de valeur et notre positionnement ». Lauréate en 2022, Pauline sait que la fin de son accompagnement est proche mais elle n’entend pas dire au revoir aussi vite à l’équipe qui l’a écoutée, conseillée et encouragée jour après jour pendant deux ans.  

En tant qu’entrepreneure à impact, et pour donner encore plus de sens à son action, Pauline est devenue ambassadrice régionale du Mouvement Impact France et administratrice de l’association « Lin et Chanvre Bio », qui œuvre pour le développement d’une filière lin et chanvre plus respectueuse de l’environnement. Elle nous confie trouver de l’inspiration auprès de son amie Camille Etienne, dont elle dit « qu’elle donne le sentiment que tout est possible », ainsi qu’auprès de trois jeunes femmes très influentes : Lucie Basch, Charlotte Cadé et Claire Bretton, respectivement fondatrices de Too Good To Go, Selency et Underdog. « Elles ont ce point commun d’avoir mis la recherche d’impact positif au cœur de leur modèle. Très humbles toutes les trois, elles sont des modèles pour moi».  

Humble, Pauline l’est également et c’est du bout des lèvres qu’elle nous souffle cette information : Mijuin a représenté fin octobre le département de la Seine-Maritime au Palais de l’Élysée, dans le cadre de La grande exposition du fabriqué en France. « Notre chemise 100% lin circuit court a été sélectionnée parmi 2 500 candidatures : c’est une belle reconnaissance au vu de la jeunesse de notre entreprise. Je compte bien profiter de l’occasion pour sensibiliser le monde politique au combat que la filière de production mène pour transformer en local une partie des cultures », annonce-t-elle.  

Fière de pouvoir apporter sa pierre à l’édifice, Pauline l’est aussi d’avoir su constituer et fédérer une équipe autour d’un projet qui a beaucoup de sens. « C’est très motivant de me lever le matin en me disant que je vais rejoindre cette équipe formidable. Plus j’avance, plus je suis passionnée par mon métier », conclut-elle 

© Agathe Périer

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