Pour notre semaine dédiée à l’entrepreneuriat féminin, nous vous emmenons au Sénégal. Dans ce pays le tissu entrepreneurial est constitué à 82 % d’entreprises individuelles. Les femmes (50% de la population) sont très impliquées dans l’économie, alors même qu’elles ont une responsabilité importante dans le quotidien en assumant 80% de la charge familiale. Entre recherche d’autonomie et besoin de revenus, pourquoi les femmes sénégalaises se lancent-elles plus dans l’entreprenariat ?
En 2006, moins de 10% des entreprises dans le secteur manufacturier sont dirigées par des femmes. 10 ans plus tard, elles étaient plus de 30% des entreprises*. Cette montée en puissance des femmes est surtout marquée par une prise de conscience et une volonté de vouloir gérer leur propre affaire afin de ne pas dépendre des hommes.
Fatimata Kane, vous êtes directrice de Réseau Entreprendre® Dakar. Quelle est l’importance des femmes dans l’économie africaine ?
Au Sénégal aujourd’hui, les femmes représentent plus de 50% des quelques 17 millions d’habitants et 39% de la population active, tout en assurant 90% des tâches ménagères et 85% des travaux agricoles. Le taux de chômage des femmes est également beaucoup plus élevé que celui des hommes. Historiquement, la « division du travail », basée sur le genre, a été un obstacle à l’intégration économique et sociale des femmes.
Pour de nombreuses femmes, l’entrepreneuriat a été le seul moyen de sortir de la pauvreté et de la marginalisation. Elles sont des agents économiques dynamiques, dotés d’un fort potentiel de leadership et représentent un levier important de bien-être familial, de croissance future en ayant un rôle crucial dans le développement de leurs communautés. Cependant, même dans ce domaine, les femmes sont défavorisées, détenant moins de 30 % des micro, petites et moyennes entreprises (MPME) du pays. Elles sont également pour la plupart coincés dans des activités commerciales de base à faible valeur et reléguées à des secteurs moins productifs.
Combien de femmes accompagnez-vous au Sénégal ?
Chez Réseau Entreprendre® Dakar nous accompagnons 16 femmes sur un total de 24 lauréats, soit 67% de femmes.
Quels sont les secteurs privilégiés ? Le digital est-il un levier pour l’entrepreneuriat féminin ?
Les femmes, plus que les hommes, luttent contre des contraintes telles qu’un accès limité aux informations commerciales, aux marchés (porteurs et solvables), un manque de compétences en gestion d’entreprise et en leadership et un accès limité au capital (foncier, financement, etc.). Donc, par manque d’information, de confiance et de capital, elles ont tendance à se cantonner aux petites activités de commerce et de services, se détournant des secteurs (porteurs) et des opportunités d’affaires à forte valeur ajoutée.
Le digital pourrait être un catalyseur de l’entrepreneuriat féminin, en facilitant l’accès à l’information, l’acquisition de compétences et la construction de réseaux pour les femmes entrepreneurs.
Quel est le challenge le plus difficile que vous avez à relever en termes d’accompagnement ?
Le challenge le plus difficile à relever en termes d’accompagnement d’entrepreneurs est relatif à la faiblesse de la prise en compte des aspects stratégiques par la plupart. En effet, peu d’entrepreneurs de MPME sont disposés à investir du temps et d’autres ressources dans la recherche d’informations et l’élaboration de stratégies d’entreprise.
Pourquoi vous êtes-vous engagée dans notre réseau ?
Je me suis engagée chez Réseau Entreprendre® pour relever un challenge et ouvrir une nouvelle page de mon expérience d’accompagnement des entrepreneurs. J’ai été particulièrement séduite par cet esprit de partage très particulier chez Réseau Entreprendre® Dakar.
De loin, je voyais Réseau Entreprendre® Dakar exister, s’agrandir et s’épanouir, j’ai été curieuse de savoir comment cela était possible dans notre pays, comment de grands entrepreneurs de renom pouvaient intégrer un réseau en payant une adhésion et donner en retour bénévolement de leurs temps pour accompagner d’autres entrepreneurs pour créer des emplois et de la richesse. Je voulais faire partie de cette aventure.
*Source : recensement général des Entreprises (RGE).
Questions à Marième Fall, présidente de Réseau Entreprendre® Dakar, pourquoi vous êtes-vous engagée chez Réseau Entreprendre® Dakar et plus particulièrement dans sa présidence ?
Depuis mon séjour au Luxembourg, je m’étais engagée dans différentes associations : d’abord Savoirs Partagés, puis Dakar Networking et enfin le Centre des Jeunes Dirigeants dont j’ai initié la création au Sénégal. J’ai toujours été très proche du milieu des entrepreneurs. Puis le fait d’en devenir une et de pouvoir partager les différentes expériences et galères vécues afin d’éviter à d’autres de vivre les mêmes m’a tout de suite parlé. J’ai donc rejoint avec plaisir Réseau Entreprendre® en 2016, d’abord en tant que secrétaire générale, puis en tant que présidente afin d’aider à faire grandir le mouvement et d’impulser de nouvelles dynamiques.
Quelles lignes souhaitez-vous faire bouger à travers cet engagement ?
Je souhaite donner la chance à des entrepreneurs de se faire accompagner, de rencontrer des pairs et des entrepreneurs chevronnés qui leur montrent la voie.
L’entrepreneuriat n’est pas de tout repos, surtout chez nous en Afrique. C’est tout un parcours du combattant. Il y a des choses que j’aurais aimé savoir avant de débuter. Si je peux aider ne serait-ce qu’un entrepreneur grâce à mon expérience et lui permettre de mieux trouver sa voie, j’aurais contribué à changer le narratif du continent et à réaliser mon rêve de voir « des entrepreneurs prospères pour une Afrique fière et prospère ».
Réaliser mon rêve de voir « des entrepreneurs prospères pour une Afrique fière et prospère »